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Critiques, portraits, interviews du monde de la Culture.

Damiaan de Schrijver : "Nous sommes tous de meilleurs comédiens dans la vie que sur scène".

Damiaan De Schrijver
Damiaan De Schrijver

Sur les planches comme au quotidien, Damiaan de Schrijver ne quitte jamais son cigare, qu'il rallumera par intermittence tout au long de l'interview. Au lendemain de la seconde représentation d'Onomatopée au Théâtre de la Bastille, l'acteur de TG Stan nous reçoit, au milieu des décors étranges de sa nouvelle pièce. Imposant mais très souriant, il nous parle de sa collaboration avec les compagnies De Koe, Dood Paard et Discordia, de son rapport au texte et de sa conception du jeu de l'acteur.

De manière générale, de quoi parle la pièce ?

De tout et de rien. C'est un texte très pauvre qui parle d'une manière de se parler et de l'absence de communication entre les individus. On ne laisse pas les gens parler jusqu'à la fin de leurs phrases, on écoute pas les autres et l'on reste constamment dans ses propres convictions. On essaye d'avoir un hyper-réalisme à travers ce texte et finalement, il est très dénonciateur, sans être toutefois moralisateur.

Comment vous est venue l'idée de ce spectacle ?

Au départ, je voulais essayer d'écrire un spectacle sans mot. Et puis, à Toulouse, j'ai découvert le dictionnaire sur les onomatopées. J'ai cru que ce serait notre sauvetage. Mais, finalement, on l'a mélangé avec un texte de Matthias [de Koning], qu'il avait dans un tiroir. Il était écrit pour trois acteurs alors nous l'avons réécrit pour cinq.

Pourquoi cette envie de travailler avec des onomatopées uniquement ?

Pour moi, l'onomatopée représente la pré-conscience. Elle est beaucoup plus basique, plus primaire que les mots et n'a pas encore eu un grand impact sur la civilisation. Mais j'ai échoué dans cette tentative, puisqu'il y a du texte !

Mais l'onomatopée semble quand même plus présente dans la seconde partie…
Oui, parce qu'elle est le contraire de la première partie. Dans la seconde moitié, nous avons essayé d'être plus vrais, avec des confessions qui viennent du cœur. A travers les monologues et les poèmes, surtout.

​Les monologues sont également écrits par Matthias de Koning ?

Chacun des acteurs a écrit son monologue. Hier soir, pour la première fois, le poème de Peter [Van den Eede] sur la ruine a suscité le rire. Il a vraiment été surpris, parce que normalement, il est triste ! Il s'est aperçu que le poème n'était pas seulement sombre, mais qu'il comprenait de l'humour. Mais, dans la seconde partie, c'est bien qu'il y ait quand même une note plus grave. C'est de la « sincère légèreté ».

Dans cette pièce, votre jeu, ainsi que celui des autres acteurs, à l'air improvisé. Vous laissez-vous une grande liberté, malgré le texte ?

Pas vraiment... il y a une toute petite partie improvisée mais le reste est entièrement écrit. Dans nos poly-coproductions, tout le monde pense que c'est improvisé. Lorsque l'on jouait My Dinner with André, nous improvisions de temps en temps dans notre langue maternelle [le flamand]. Mais, quand nous l'avons traduite en français, nous avons tellement eu peur de nous tromper que nous avons appris par cœur nos improvisations. C'est la même chose avec Onomatopée. Lorsque les gens s'installent dans la salle et que nous sommes sur scène, nous improvisons un peu. Mais, à partir du coup de téléphone, tout est écrit, pas un mot d'improvisé !

Comme il n'y a pas de metteur en scène attitré, comment faites-vous pour vous mettre d'accord sur tout ?

Il faut parler, s'écouter pendant des heures et se convaincre mutuellement de ce qui va être dans le spectacle. C'est du théâtre démocratique. Je dois être d'accord et comprendre pourquoi on ne fait pas mon idée et plutôt celle d'un autre. C'est là toute la différence entre un consensus et un compromis. C'est difficile, il faut se supporter ! Mais on s'entend bien quand même !

Comment vous-êtes vous rencontrés, avec les autres acteurs ? N'est-ce pas trop difficile de se séparer des deux comédiennes de TG Stan ? (Jolente de Keersmaeker et Sara de Roor)

On travaille avec beaucoup de femmes pour TG Stan, c'est matriarcal. Vous comprenez bien que de temps en temps j'ai envie de travailler avec des hommes ! (rires). Ce sont des collègues, des copains pour la vie, je crois. Avec Matthias de Koning, on se connaît depuis très longtemps et il m'a tout appris. A l'époque, nous faisions des grandes soirées de trois ou quatre heures, où on lisait des actes, des scènes... à la suite de cela, nous avons fait une adaptation de La Montagne Magique de Thomas Mann, avec les cinq hommes, et Sara de Roor.

Pouvez-vous en dire davantage sur votre personnage dans Onomatopée ?

Il n'y a pas de personnage dans cette pièce. Je suis Damiaan, qui est habillé en noir et blanc et qui vous invite.

Vous vous appuyez sur le Paradoxe du Comédien de Diderot …

Diderot dit que la plupart des personnages sont des fantômes, inventés par l'écrivain... alors c'est dur de rentrer dans la peau d'un personnage ! Selon moi, il y a autant d'Hamlet qu'il y a de comédiens pour le jouer. Un acteur qui dit « je suis devenu Hamlet », c'est psychiatrique ! Robert de Niro a beau prendre dix kilos pour son rôle dans Raging Bull, tout le monde sait que c'est Robert de Niro ! C'est la même chose avec Stanislavski, il y a une grande partie de mensonge. De toutes façons, je suis convaincu que nous sommes tous de meilleurs comédiens dans la vie que sur scène. Dans la vie, tout le monde manipule ses émotions. Alors nous, sur scène, on essaye de montrer quelque chose de spontané, en n'essayant pas de nous dissimuler derrière des personnages.

Comment véhiculez-vous cette spontanéité ?

Par la déconstruction. En peinture, les gens sont habitués à voir des tableaux déconstruits comme ceux de Picasso ou Braque. Sur scène, c'est plus rare mais c'est ce qu'on essaye de faire. On interroge le Théâtre.

Que lui demandez-vous ?

C'est quoi être vrai sur scène ? Qu'est-ce que s'adresser au public, en direct? Cela devient de plus en plus rare d'être ensemble dans un théâtre. Peut-être que l'on va perdre ça un jour...et cela fait peur.

Onomatopée. Théâtre de la Bastille, Paris 11e, Jusqu’au 6 novembre. 20H. Relâche les 31 octobre et 1er novembre. Durée : 1H45. Plein tarif : 26 euros ; Tarif réduit : 19euros ; Tarif + réduit : 16 euros
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