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All About Art

Critiques, portraits, interviews du monde de la Culture.

Onomatopée : Le Goût de l'Excès

crédit photo : Sanne Pepper
crédit photo : Sanne Pepper

Habituée du Festival d'Automne depuis quinze ans, la troupe TG Stan revient cette année encore avec Onomatopée, une coproduction avec les compagnies De KOE, Dood Paard et Discordia. Durant 1h45, ils présentent au Théâtre de la Bastille une pièce sur la parole ... parfois trop forte et excessive.

« Le Texte ». C'est le premier mot que les personnages d'Onomatopée prononcent, après plusieurs minutes de mutisme. Auparavant, chacun des cinq acteurs—présents sur scène alors que le public s'installe dans la salle— ne font que se regarder, se toucher. Dans ce décor minimaliste, constitué de cinq tabourets et deux tables (symbole récurent de leur esthétique), on essaye de se parler, mais les mots ne sortent pas. Puis, « le Texte » arrive enfin, sous la forme d'un gros bloc de feuilles. La troupe affirme ainsi son goût de l'excès.

TG Stan, c'est d'abord une compagnie de quatre jeunes comédiens flamands, qui se sont réunis à la fin des années 1990 pour s'opposer au diktat d'un metteur en scène (STAN signifie « Stop Thinking About Names », et revendique la primauté d'un ensemble plutôt que d'un nom). Pour Onomatopée, la troupe se scinde (pour mieux se retrouver avec La Cerisaie, également à l'affiche du Festival d'Automne), se délestant de ses deux actrices, Sara De Roo et Jolente de Keersmaeker. Une pièce de « mâles » donc, qui réunit des acteurs d'autres compagnies, prônant les mêmes valeurs.

Ensemble, ces cinq « copains », comme les qualifie Damiaan de Schrijver, jouent sur la porosité entre le réel et la fiction. Le public ne sait jamais s'il assiste à un dialogue entre les acteurs ou entre les personnages, ambiguité fondatrice de leur style. Hélas, à trop vouloir flirter avec le Paradoxe du Comédien de Diderot et d'en pousser la lecture à l'extrême, le risque est de perdre le public.

Hyperboles répétitifs

L'extrême, c'est bien cela le problème d'Onomatopée. Si l'on peut s'amuser au début des trop petites tasses, de l'excès de sucre et de menthe, du minuscule cendrier, exagérations qui pourraient rappeler à bien des égards Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Caroll, l'ensemble est vite répétitif. Bientôt, la pièce se noie dans un joyeux n'importe quoi, où une partie du public, adepte du comique burlesque, rit aux larmes, tandis que l'autre moitié reste circonspecte.

La musique country—sortie d'un ordinateur en backstage volontairement visible depuis la salle—se mêle au bruit d'une perceuse, de personnages qui trébuchent, se relèvent, si bien que l'on ne sait plus où donner de la tête. Épuisé par cet amoncellement d'informations visuelles, le cerveau n'a qu'une envie, celle de rejoindre les propos d'un des personnages en criant « : I'm empty ! I'm exhausted ! ».

Pourtant, derrière ce brouillon organisé, se cache un propos beaucoup plus profond, qui aurait mérité davantage de lumière. Onomatopée dénonce l'absence de communication entre les individus, dans un monde où chacun n'écoute que son propre discours. L'un parle de sucre, l'autre de menthe, le troisième veut imposer sa parole en vain, le quatrième s'exprime en anglais quand le cinquième lui répond en allemand.

De l'émotion au milieu du chaos

La fin de la pièce, toutefois, est surprenante et émouvante. En invitant le public à passer dans un autre espace, les acteurs se montrent plus vrais, à travers une succession de monologues que chacun a écrit d'après sa personnalité. Les cris s'estompent, la tension retombe : on touche ainsi au plus près de « l'écoute calme et maîtrisée » que recommande l'un des protagonistes au cours de la pièce.

Quand bien même les symboles sont intéressants et le jeu des acteurs, remarquable, on ressort de la salle, frappés par ce sentiment tenace qu'un metteur en scène au fond, n'aurait pas été inutile pour canaliser ces génies fous.

Onomatopée. Théâtre de la Bastille, Paris 11e, Jusqu’au 6 novembre. 20H. Relâche les 31 octobre et 1er novembre. Durée: 1h45

Plein tarif : 26 euros ; Tarif réduit : 19euros ; Tarif + réduit : 16 euros

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