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All About Art

Critiques, portraits, interviews du monde de la Culture.

The Ventriloquists Convention : un art schizophrénique

crédit : Kerstin Berhendt
crédit : Kerstin Berhendt

À l'aff iche du Festival d'Automne 2015, The Ventriloquists Convention s'empare du Théâtre des Amandiers, du 28 au 4 décembre. Pour son nouveau spectacle, Gisèle Vienne propose durant deux heures une immersion dans l'univers méconnu de la ventriloquie, bien loin des clichés.

L'on pénètre dans la salle et immédiatement, la musique immerge le spectateur dans une ambiance psychotique. Aucun rideau de sépare la scène et la salle. Une métaphore annonciatrice de la pièce : le public saura tout des personnages, sans artifice. Sur l'une des vingt-six chaises qui composent le maigre décor, une marionnette blonde à lunettes est assise. De loin, on dirait presque un petit garçon. Un petit garçon qui, durant deux heures, reste statique, seule marionnette inanimée du spectacle. Une sorte d'alter-ego du public, assistant à une étude plus sombre de la ventriloquie.

Pourtant, au départ, tout n'est que légèreté. Un jeune couple qui s'embrasse, un ventriloque tentant d'arrêter sa marionnette qui se masturbe et les autres, discutant autour d'un verre. Tous attendent la star de la convention : Nils. À la manière d'un talk-show, ce dernier raconte avec emphase ses exploits de ventriloquie à Las Vegas, comme une caricature de l'American Dream. Monopolisant l'espace et la parole, il fascine, à première vue.

Car chez Gisèle Vienne, tout est une question de faux-semblants, à l'image d'une des marionnettes, qui, selon les personnages, s'apparente davantage à un coussin qu'à une œuvre d'art. Hypocritès : celui qui se cache derrière le masque. Ce dernier est métaphorisé par Jonathan, un ventriloque qui dissimule son mal-être sous les traits de Jessica.

Un Instrument Introspectif

Qu'on se le dise, The Ventriloquists Convention n'est en rien un documentaire sur ce véritable événement, qui se déroule chaque année dans le Kentucky (USA). S'il a indéniablement inspiré Gisèle Vienne et Dennis Cooper, l'auteur, il est davantage question d'identité. Même si la ventriloquie est redevenue populaire ces dernières années (on note le succès de l'humoriste Jeff Panacloc), ici, nous sommes loin de ce stéréotype. Dans Jerk déjà, leur précédente pièce, le duo Vienne/Cooper étudiait la psychologie d'un serial-killer. La seconde voix du criminel faisait alors officie de « Ça » freudien, explorant les méandres d'un cerveau déséquilibré.

Dans The Ventriloquists Convention, l'humour, assez rare pour leurs auteurs, s'évapore subitement, pour faire place à un drame profond et glaçant. Celui de chaque personnage. Kristin (incarnée par l'incroyable Kerstin Daley-Baradel), timide jusqu'alors, décide de montrer un morceau de son «sketch autobiographique », avec sa marionnette. Celle-ci prend la forme d'un petit garçon brun aux yeux bleus, attendue par les protagonistes, à la manière d'une star. Dans son sketch, Kristin apprend à son « petit frère »—tel qu'elle le considère—que leur père est mort. Jonglant avec dextérité entre sa voix et celle de sa marionnette, leur dialogue à une voix se transforme en introspection. Kristin fond en larmes, comme lorsqu'elle était petite fille et qu'elle n'avait pas le droit de jouer à la poupée. Le sketch se termine brutalement, Kristin essuie ses larmes et la petite fille redevient la femme. Les apparences, encore.

« Un Muppet, c'est trop facile »

Si Jessica se montre discrète durant l'ensemble de la pièce, elle fait entendre sa voix, ou plutôt ses voix, exemple type du passé des ventriloques. Régressant en enfance, à l'instar de Kristin, Jessica/Jonathan emprunte la marionnette de son fils, semblable à un Muppet. S'il l'a moque, c'est toutefois grâce à elle qu'il questionne son enfance et les prémices de son homosexualité. Un père violent, une cave où l'on dévoile des vérités enfouies.

Sans jamais accuser, Gisèle Vienne constate: une marionnette est une excroissance de son ventriloque, qui lui donne vie pour ne pas vivre seul. Lorsqu'au terme du spectacle, les personnages doivent faire mourir cet alter-ego, ils souffrent. Le public aussi. Durant deux heures, nous sommes devenus des ventriloques.

The Ventriloquists Convention de et par Gisèle Vienne, Dennis Cooper et le Puppentheater Halle. Théâtre Nanterre-Amandiers, Nanterre (92), du 27 novembre au 4 décembre (relâche lundi). De 15 à 30 euros ( de 10 à 15 euros avec abonnement).

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