22 Novembre 2015
En japonais, « Cio-Cio San » signifie « Papillon ». C'est le nom que choisira Madame Butterfly, reniant d'emblée ses origines nippones pour se tourner vers l'Occident. Belle adolescente devenue geisha par nécessité financière, elle est offerte à un Américain, de passage au Japon. Malgré ce mariage forcé, Butterfly tombe sous le charme de son époux, qui incarne son rêve de modernisme. Maudite par sa patrie pour avoir renié les traditions, l'issue est tragique. Madame Butterfly s'inscrit dans la lignée de ses consœurs Manon Lescaut ou Adriana Lecouvreur, au destin fatal.
Bob Wilson, grand metteur en scène à qui l'on doit notamment Pelleas et Melisande lors de la saison dernière à l'Opéra de Paris, réécrit l'œuvre de Puccini dans son univers. Le décor est épuré, le Japon uniquement suggéré par les costumes, et la scène n'est encombrée d'aucun objet. Le ton est donné : Bob Wilson se concentre sur la tragédie de son héroïne, celle-ci n'ayant besoin d'aucune fioriture pour exister.
Comme à son habitude, les mouvements sont très chorégraphiés, figurant un Japon que l'on ne voit jamais. Wilson fait de Madame Butterfly sa seconde peau, lui octroyant la modernité dont elle est en quête durant sa courte existence. Si l'héroïne originale est célèbre pour se donner la mort par le traditionnel Hara-Kiri japonais—qui la ramenait malgré elle à ses origines—le metteur en scène contourne cette fin. Sans aucune lame visible, par le seul tranchant de sa main, Madame Butterfly s'égorge, comme pourrait le faire une occidentale.
Il aura ainsi fallu un très grand nombre d'années pour redonner à l'héroïne de Puccini tout l'honneur qu'elle avait perdu.
Madame Butterfly, Giacomo Puccini. Opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Giacosa. Paris, Opéra Bastille, 11ème Arrondissement. Du 5 septembre au 13 octobre 2015. Durée : 3h (avec 1 entracte).